Accueil > Contributions > Transition énergétique & sociétale : comment changer d’échelle ? innovation (...)

Transition énergétique & sociétale : comment changer d’échelle ? innovation sociale et territoire locaux

le carnet de bord, retour des journées, 6, 7, 8 et 9 juin 2018 à l’IMT Atlantique et POLYTECH Nantes

vendredi 14 septembre 2018, par Michel Briand

Voici une retranscription des contributions issues des 3 journées de travail, "Transition énergétique & sociétale : comment changer d’échelle ?" avec pour problématique : … en quoi l’innovation sociale et les dynamiques collectives facilitent l’émergence et le développement des projets de transition sur les territoires locaux ?

Ce document a seulement pour objet de partager, de manière très synthétique, les réponses apportées par les participants aux principales questions qui ont émergé des ateliers ... et qui sont au cœur du programme partenarial d’action-recherche TES présenté en fin de document.

L’histoire reste à écrire...

Un article repris du document (pdf) compte rendu de ces journées

Il va falloir « négocier nos modes de vie » !

Le niveau des changements climatiques qui se dessinent, même en actant les engagements volontaires de la COP 21, vont fortement impacter nos sociétés humaines, et ce dans une temporalité très courte. De nouveaux modèles sont donc à explorer pour réduire nos consommations d’énergie (et plus généralement de ressources), produire cette énergie à partir de sources renouvelables et favoriser par la même la (re)localisation des activités et des emplois.

Très présents dans d’autres pays comme l’Allemagne ou le Danemark, les projets locaux portés par des collectifs d’entreprises, d’habitants, d’agriculteurs, en articulation avec les politiques publiques, peuvent contribuer à engager et développer les transitions localement. En France, si des projets phares sont bien présents, ils restent trop rares et la question aujourd’hui posée est celle du changement d’échelle sur nos territoires.

Cette rencontre a exploré deux thèmes principaux :

 Comment se caractérisent les innovations sociales et les dynamiques collectives au sein des projets locaux, quels en sont leurs effets ? Quelles formes de « leadership » exercent les porteurs de projet et quelles modalités de coopération observe-t-on ? Quel rôle joue la culture du territoire ? Y-a-t-il des invariants ou des facteurs clés transversaux de réussite ?

 Quel est le rôle de la collectivité et de l’Etat pour favoriser l’émergence de ces innovations sociales et faire qu’elles se multiplient ? Quelles articulations entre projets locaux, politiques publiques intercommunales et régions administratives en charge de la transition énergétique ? Comment favoriser le changement d’échelle ?

...

A partir de 7 ateliers menés en parallèle, centrés sur les deux questions ci-dessus, 11 propositions ont émergé de la réunion de synthèse avec l’ensemble des animateurs et rapporteurs des ateliers. Puis, sur la base d’un vote des 120 participants, quatre propositions faisant le plus consensus ont été approfondies lors d’un atelier de type « café mondial », francophone bien sûr. Deux propositions faisant le plus dissensus ont également été explorée à cette occasion.

LES 4 PROPOSITIONS QUI ONT FAIT LE PLUS CONSENSUS

 Créer des "espaces-tiers"  :

Travailler à la conception et à la réalisation d’actions communes, entre acteurs d’un territoire, nécessite d’aller au-delà des intérêts individuels, de faire émerger un intérêt commun. Cet objectif demande alors de coconstruire entre acteurs une qualité relationnelle qui libère des jeux de pouvoir et des postures institutionnelles. Bienveillance, écoute, intérêt commun, humilité : la coopération est à ce prix, la confiance est alors à portée.

Cet « espace tiers » où se construit du collectif, n’est pas, ou pas seulement, un espace physique. Il doit davantage être pensé comme un « dispositif » où la confiance se construit progressivement, avec des principes d’actions partagés et formalisés. Cet « espace tiers » doit également être conçu pour accueillir facilement d’autres acteurs, dans leur diversité. Il doit être inclusif, pour nourrir le collectif, pour en faire un espace vivant.

La qualité de l’animation et de sa gouvernance sont alors des éléments clés de la réussite de cette coopération.

Partir des initiatives locales de son territoire, s’appuyer sur les porteurs de projet et creer une cartographie des initiatives locales

Très souvent, les territoires bénéficient déjà d’initiatives locales très riches : agriculture et alimentation, énergie renouvelable citoyenne, solidarité, éducation, zones d’activités entreprises… Les communes connaissent ces projets et leurs leaders, ces porteurs de projets particuliers. L’enjeu est alors de s’appuyer sur ces « pépites » pour donner envie à d’autres de faire de même, mais à leur manière.

Mettre en récit et en réseau ces initiatives locales pourrait alors aider à faire « système territorial », au niveau de l’intercommunalité, centre de décision de plus en plus important. Ceci dit, les termes et les conditions de la coopération, et donc de la confiance, entre les différentes échelles territoriales (communes et intercommunalité), ainsi qu’entre la collectivité et la société civile doivent sérieusement progresser.

Cette identification des projets locaux et de leurs leaders, ainsi que cette approche systémique territoriale, pourraient alors être matérialisées par une cartographie numérique conçue, en tout premier lieu, avec un objectif opérationnel de multiplication des initiatives.

La définition des besoins et le déploiement de cet outil ne peuvent alors s’imaginer qu’en impliquant différentes collectivités, à différentes échelles, et les autres acteurs locaux. La visée régionale ne doit pas être absente.

Créer des parcours d’apprentissage pour les futurs porteurs de projets

Cette proposition porte sur l’importance d’une montée en compétences des acteurs de la société civile en général, et des porteurs de projets en particulier. Là encore, chacun ne part pas de rien, des compétences existent dans les différents collectifs. C’est vrai dans le milieu agricole, le milieu associatif ou encore au sein des entreprises.

Ceci dit, souvent le porteur de projet n’est pas préparé aux difficultés liées aux questions du « faire ensemble ». Coopérer avec les autres types d’acteurs n’est en effet pas simple. Chacun a sa propre temporalité de la décision et/ou de l’action, des représentations et des raisonnements, des intérêts qui peuvent différer ou diverger… C’est souvent vrai par exemple entre les collectivités, les habitants et les entreprises. Aussi, la coopération ne se décrète pas, ne s’improvise pas, ne s’impose pas, elle se construit sur des fondations dont il faut connaitre les fondamentaux.

Au-delà des enjeux plus traditionnels (mais très importants) liés à la gestion de projet, à la mobilisation de ressources techniques, humaines et financières, il faut donc « apprendre à faire ensemble ». Le porteur d’un tel projet n’est pas n’importe quel leader, c’est un idéateur comme disent nos amis québécois. Allons alors à sa rencontre et aidons-le.

Faire évoluer les conditions d’attribution et les critères d’évaluation des aides financières

Les dispositifs actuels pour solliciter une aide financière publique sont considérés comme n’intégrant pas suffisamment les externalités positives apportées, voire les externalités négatives évitées, et ce dans une approchesystémique globale. Les dimensions sociales (et pas uniquement l’emploi), démocratiques (avec une approche collective) et environnementales (dont l’urgence climatique et de biodiversité) sont alors à examiner globalement.

Une orientation forte des conditions d’attribution des aides financières vers cette intégration systémique des enjeux sociétaux, donnerait un signal fort et mobilisateur pour l’émergence et le développement des projets, notamment locaux.

Par ailleurs, les grilles d’évaluation devraient faire l’objet d’une élaboration entre porteurs de projets et financeurs. La culture du résultat quantifié cache parfois une réalité moins visible, mais plus résiliente et fertile pour la suite.

Enfin, le droit à l’expérimentation et le droit à l’échec apparaissent également comme essentiels pour repenser les conditions d’attribution des projets. Les enseignements d’un échec sont parfois plus riches qu’une réussite, pour peu qu’on prenne le temps de capitaliser sur les expériences. L’échec est une partie indissociable du processus d’évaluation.

LES 2 PROPOSITIONS QUI ONT FAIT LE PLUS DISSENSUS

Créer une fondation régionale pour les projets de transition

L’idée de créer une fondation régionale a suscité des réactions assez négatives puisqu’elle a été rejetée par 65 personnes contre 28 qui l’ont soutenue. Plus que le principe même de fondation, c’est son pilotage par une institution publique qui cristallisé les oppositions, avec la défiance démocratique en toile de fond.

Au-delà du changement de nom qui a été proposé, avec le concept de « fabrique régionale », les contours d’une telle instance, dédiée aux projets de transition énergétique et sociétale, ont été dessinés. Cette fabrique aurait pour objectif de repérer les initiatives, de les aider financièrement mais aussi de les accompagner.

Cette perspective nouvelle impliquerait d’encourager des démarches de prospective et de suivi, et de ne plus recourir aux appels à projet.

La « fabrique régionale », pourrait recevoir des fonds mixtes (allocations de l’Etat, des collectivités, des donations d’entreprises et de citoyens), en intégrant dans sa gouvernance puissance publique et société civile, avec des modalités de coopération telles que dessinées précédemment.

Faire évoluer et renforcer le rôle des instances de démocratie participative comme les conseils de développement

Au même titre que la réaction sur la fondation, celle sur les conseils de développement laisse transparaitre l’image d’instances ne jouant pas leur rôle : très masculin, retraités, classe sociale « supérieure », articulation insuffisante des travaux et coopération avec les élus.

Cette instance de dialogue et d’apprentissage devrait s’apparenter à un « tiers lieu ». Elle rassemblerait alors une véritable diversité d’acteurs pour favoriser le partage d’expériences, le suivi et la co-construction de projets collectifs. Il faudrait également penser la possibilité d’indemnisation du temps passé par la société civile (par exemple en monnaie locale) et insister sur l’importance de l’ancrage territorial.

Dans un moment où le mot développement est très connoté, peut-être fautil aussi changer de nom et affirmer un rôle de chambre locale du futur avec de vraies ambitions.

— -
voir aussi les conférences

 Dominique Bourg, Philosophe, professeur, Université de Lausanne : Transition énergétique et spiritualité : quels (r)apports ?

  Jo Spiegel, maire de Kingersheim : Et si on prenait (enfin) les rameurs au sérieux


Pour toute information :
 sur le programme TES, http://web.imt-atlantique.fr/x-dg/transition-energetique/
 sur le Collège des transitions sociétales, http://www.college-transitions-societales.fr
 sur l’AFUL Chantrerie, http://web.imt-atlantique.fr/x-dg/aful-c/